Imaginez un symbole qui traverse les siècles, d’un ancien manuscrit médiéval jusqu’à votre boîte mail, en passant par les registres des marchands de la Renaissance... Ce signe mystérieux, devenu incontournable dans notre ère numérique, n’est autre que le @ – l’arobase.
Comment un simple petit caractère, qui semble presque anodin aujourd’hui, a-t-il pu marquer l’histoire de l’écriture et des communications mondiales ?
L’histoire de l’arobase commence dans les couloirs silencieux des monastères médiévaux (au VIè siècle a priori), où les moines copistes l’utilisaient comme abréviation du mot latin "ad", signifiant "à", "chez" ou "vers". Cette petite ligature leur permettait de gagner du temps et de l’espace sur les parchemins précieux.
Puis, au fil des siècles, le symbole a pris une nouvelle vie dans les livres de comptes des marchands européens, représentant "à raison de" lors des transactions commerciales (exemple : "5 @ 1 $" signifiait 5 unités vendues à 1 dollar chacune).
L'adoption moderne du symbole @ est due à un ingénieur américain du nom de Ray Tomlinson en 1971, qui l’a propulsé dans l’ère numérique. En créant le premier système de messagerie électronique, il devait alors choisir un caractère pour séparer le nom de l'utilisateur de celui du serveur. Le @ s'est avéré idéal, car il n'était utilisé ni dans les noms de personnes ni dans ceux des ordinateurs à l’époque. Depuis, il est devenu un élément essentiel des adresses email.
L'arobase est même devenu l’emblème même de la communication électronique mondiale.
Aujourd'hui, l'arobase est partout : des adresses emails aux réseaux sociaux, mentionnant et interpellant des millions de personnes à travers le globe.
Et pourquoi l'arobase se nomme-t-il ainsi ?
Ce at sign, ou at symbol, ou encore commercial at, est appelé en français a commercial. Certains reprochent à cette appellation d’être trop longue et de ne pas convenir au contexte non commercial d’Internet. C’est ainsi que le mot arrobas (avec un ou deux r et avec un s final sonore ou non) tend à se répandre dans l’épellation des adresses électroniques.
Le terme "arobase" a plusieurs origines :
1. Probablement de la transcription phonétique de l'espagnol "arroba" (lui-même emprunté de l’ arabe al-roub, « le quart »), qui désigne une ancienne unité de mesure de poids. Comme lu plus haut, le symbole @ était utilisé dans les transactions commerciales. En Espagne et au Portugal, cette utilisation du @ dans le commerce a donné naissance au mot "arroba", qui s’est ensuite transformé en "arobase" en français.
2. Théorie populaire selon laquelle le terme "arobase" viendrait de l'expression "A rond bas (de casse)" (bas de casse = minuscules) ou "A rond base". Selon cette hypothèse, l'origine du mot serait purement descriptive, faisant référence à la forme visuelle du symbole : la lettre A encerclée ou "rond", posée sur une "base".
[ Cette seconde explication est plus anecdotique et linguistiquement moins fondée que la théorie dérivant de "arroba", car apparamment apparue qu'après l'intégration massive du @ dans le monde numérique. ]
3. Le Trésor du Félibrige de Fréderic Mistral (dictionnaire provencal-francais, 1878) donne le mot aro-bas, déformation de ala-bast qui devrait s’écrire en graphie occitane actuelle ara-bast. Il s’agit d’un crochet que l’on accroche au bât des ânes…
Mais attention, selon le pays,
ce symbole ne porte pas le même nom !
- « bâton de cannelle » en Suède
- « apestaart » (queue de singe) aux Pays-Bas
- « Shtrudel » en Israël, « arroba » en espagnol, dont est directement issu le « arobase » français.
- Les anglophones le réduisent à sa plus simple expression en l’appelant « at ».